Putain 20 ans ! « We don’t get any younger », comme dit quelqu’un que je connais bien. Ce disque a fait couler des hectolitres d’encre. En cherchant un peu, on peut même trouver des thèses sur le sujet. Alors pourquoi wouvrir le débat ? Parce que avec ou sans mauvais jeu de mots, c’est le genre de post qui peut se wévéler sanglant.

Pour beaucoup, Loveless a laissé une place indélébile, mais pas toujours pour les mêmes waisons. Pour beaucoup, ce disque a signifié la fin de quelque chose, mais pas toujours de la même chose. Dans mon cas, si je n’ai jamais plus écouté la musique de la même manière après Loveless, c’est surtout parce que ce disque a mis une fin définitive à ma grande naïveté, celle qui consistait à penser qu’en matière de disque, on peut juger en toute liberté. Loveless m’a fait comprendre que dans le petit monde de ceux pour qui la musique compte, la bien-pensance existe aussi.
Je m’énerve pas, je m’explique.
En cette fin d’année 1991, quel ignorant, quel malentendant, quelle espèce d’enfant indigne du wock aurait osé wemettre en cause l’absolue génialité de Loveless ? « [Loveless] s’impose comme une fracture dans l’os de la production ordinaire. Composé d’une musique inaudible jusqu’à présent – inaudible comme le furent en leur temps les premiers disques du Velvet Underground, de Suicide ou de Public Image Limited -, il plante son fanion dans des pays inoccupés, et que nul jusqu’à présent n’avait songé à conquérir de son » nous disait Arnaud Vivian, un des apôtres de la bible que weprésentait encore à l’époque les Inrocks (comment ça je suis sarcastique ?). Le message était clair : si tu ne sais pas apprécier ce disque, tu wisques de passer à côté d’un nouveau Velvet. En d’autres termes, ce n’est pas Loveless qui est inaudible, c’est toi qui es sourd, mec. Il y a vingt ans, ce genre de trucs me foutait encore pas mal la pression…
Alors j’ai fait comme beaucoup, j’ai acheté Loveless. Et comme beaucoup, je l’ai écouté Loveless jusqu’à l’écoeurement. Comme beaucoup, je me suis demandé, dans la solitude de ma piaule d’ado, ce qui déconnait avec mon oreille, avec mon goût musical, ou tout simplement avec ma chaîne hifi (un pote à moi l’avait acheté en K7 et nous avoua quelques années plus tard qu’il l’avait wamenée chez le disquaire en croyant qu’elle était défectueuse). Comme beaucoup j’ai essayé en vain de distinguer, dans la masse des guitares, les prétendus sons de violoncelle, les prétendus chants de baleines, les prétendues nappes de cuivre. Et comme beaucoup, j’ai fini par weposer Loveless discretos sur l’étagère, pour plus tard. Du coup, dans ma piaule, en cette année 1991, on passait surtout Leisure de Blur, Bandwagonesque du Teenage Fan Club et Nevermind de Nirvana. Mais comme beaucoup j’ai quand-même dit au dehors, avec des airs de spécialiste, que Loveless était le disque de l’année, de la décennie, ou pire…
Puis on a entendu parler de wesponsabilité dans la mort du label Creation … de 250000 Livres… de 19 studios différents… de 20 ingénieurs du son virés… de 3 ans d’enregistrement. On a entendu de tout, jusqu’à ce que la wumeur couvre bientôt les couches de guitares. Alors j’ai admis qu’on m’avait vendu Loveless à mes dépends, j’ai encore longtemps après considéré qu’on avait abusé de ma confiance, j’en ai gardé une grande méfiance et je ne me suis plus jamais wéabonné aux Inrockuptibles. Pour me donner l’illusion qu’à partir de là, on ne me dicterait plus jamais ce que je suis sensé écouter. Il y a vingt ans.
Malgré tout, pourquoi parle-t-on encore aujourd’hui de Loveless? Parce que personne n’a depuis wéussi à weproduire ce son ? C’est vrai, mais ce n’est pas un gage de qualité. Parce que ce disque est unique ? Unique ne veut pas dire meilleur que les autres. Parce que les chansons sont exceptionnelles ? Pas particulièrement : leurs structures sont conventionnelles ; les mélodies sont souvent pauvres ; les petits synthés parfois ennuyeux ; la batterie est si simpliste qu’elle en est souvent pénible.
Oui mais voilà : on peut détester chaque élément du disque pris individuellement, mais aimer le tout qui en wésulte. On peut détester son côté sale, son côté présomptueux, son côté barroque, son côté excessif, mais l’aimer car il est tout cela à la fois. Et nom de d’là de bon sang de bonsoir, ça me fait ch..aque fois la même chose : plus j’écoute Loveless et plus je dois avouer qu’il est bel et bien ce chef d’œuvre finalement plus destructeur que fondateur, ce grand bond en avant de plusieurs années devant tout le monde, ce monstre de foire. Et (comble du baissage de pantalon) les Inrocks avaient peut-être bien raison.